Les fortifications de Neuf-Brisach

La fortification bastionnée

Le grand talent de Vauban réside dans l’optimisation de la fortification bastionnée, système de défense introduit et développé par les ingénieurs italiens puis hollandais à partir du XVIe siècle. À l’opposé des défenses médiévales, composées de hautes et épaisses murailles, c’est un système qui « enfonce » les ouvrages défensifs dans le sol pour les rendre moins fragiles.

Vauban utilise l’existant. Ses fortifications complètent les défenses « par nature » des villes et des voies de communication stratégiques. Il considère que les Alpes, les Pyrénées et la côte Atlantique sont des obstacles naturels qui protègent le pays. Seule une partie du territoire est directement exposée : l’immense plaine des Flandres où les places fortes changent régulièrement de main, au gré des attaques. Pour protéger cette zone, il propose au roi de créer son « pré carré », constitué d’une double ligne de villes fortifiées qui protège la frontière nord-est contre les Pays-Bas espagnols.

Pour commander des villes, il construit des citadelles à cheval sur l’enceinte urbaine comme à Arras, Besançon, Saint-Martin-de-Ré. Là où il n’y a pas de ville, il en fait parfois construire de toutes pièces. Des neuf villes neuves conçues par lui, quatre sont parvenues quasiment intactes jusqu’à nous : Longwy, Mont-Louis, Mont-Dauphin et Neuf-Brisach.

Pour la défense des côtes, il développe plusieurs types de tours équipées de canons qui permettent de surveiller le large. Le fort Pâté, au centre de l’estuaire de la Gironde, en est le modèle le plus compact. La tour Dorée à Camaret-sur-Mer dispose d’une batterie basse permettant de défendre l’entrée de la rade de Brest. Celles de Tatihou et de la Hougue dans le Cotentin, conçues pour repousser les attaques anglaises, sont en revanche équipées de canons situés sur une terrasse, à 25 m du sol environ. La tour bastionnée, dont Besançon conserve les premiers exemplaires, montre que la tour avait également son utilité loin de la mer. En effet, c’est la réponse de Vauban à un terrain très exigu ne lui permettant pas d’aménager une enceinte bastionnée classique.

Pour des raisons stratégiques et économiques, Vauban intègre des places fortes existant souvent depuis le Moyen Âge dans les projets de fortification qu’il réalise et les adapte. C’est le cas de Villefranche-de-Conflent et de la citadelle de Blaye. Sa sensibilité aux conditions du terrain est également perceptible à travers les techniques utilisées notamment pour la construction des forts Pâté et Médoc situés sur un sol marécageux. Vauban cherche à rationaliser les fortifications qu’il conçoit. Mais parfois il est contraint à abandonner tout principe de standardisation en fonction de la géographie du lieu. Briançon, dans les Hautes-Alpes, en est probablement le meilleur exemple.

Dans toute la diversité de ses réalisations, Vauban réussit à imposer la standardisation d’un certain nombre d’édifices, notamment différents bâtiments militaires, tels que les portes, les corps de garde en avant des portes pour surveiller les entrées et sorties de la forteresse, les magasins à poudre et les casernes spécialement destinées au logement des troupes jusqu’alors hébergées chez l’habitant. Cependant, il construit ses ouvrages selon les pratiques de chaque territoire, tant dans les formes que dans les matériaux et utilise en priorité ceux disponibles sur place.

Considérant chaque projet comme unique du fait de l’interdépendance avec son contexte, Vauban a toujours refusé d’écrire le traité de fortification que le roi lui demandait. Ses fortifications présentent une qualité esthétique sobre mais certaine. Elle se traduit parfois par la grandeur des ouvrages, parfois par leur finesse et, pour certains lieux, par une expression artistique provocatrice, visible notamment sur les frontons des portes tournées vers l’ennemi, frappés des armes du roi Soleil.

La citadelle d'Arras vue du ciel