Villefranche-de-Conflent

La fondation de Villefranche-de-Conflent au Moyen Âge

Située au confluent de la Têt et du Cady, dans une vallée étroite entre deux montagnes, Villefranche-de-Conflent est fondée le 9 avril 1092 par Guillaume Raymond, comte de Cerdagne, et vassal du royaume d’Aragon. Ses premières défenses sont bâties dès la fin du XIe siècle. Son tracé correspond alors à celui de l’actuelle enceinte, à l’exception du front est qui faisait face à la vallée et a été construit plus en avant pour étendre la ville. Au XIVe siècle, le comte de Cerdagne Pierre le Cérémonieux renforce les défenses par l’adjonction d’une douzaine de tours de flanquement semi-circulaires dont la tour du Diable. Deux tours carrées protègent les deux accès de la ville situés au niveau du pont Saint-Pierre et de la porte de France. Sur le front sud, un fossé est aménagé en complément de l’escarpement rocheux. Ces aménagements permettent à Villefranche-de-Conflent de résister victorieusement au siège de l’Infant Jacques, fils du dernier roi de Majorque, en 1374.

Les premiers chantiers de fortification à Villefranche-de-Conflent

La ville est assiégée plusieurs fois par les Français et les Espagnols jusqu’à sa prise définitive par les Français en 1654. Le Traité des Pyrénées de 1659 entérine cette annexion, mais dès 1656, les Français rasent 300 mètres de murailles et abattent quatre des huit tours de l’enceinte médiévale afin de rendre la place forte indéfendable. Seul le rempart bordant la Têt est épargné. En 1668, après la Guerre de Dévolution, le Chevalier Nicolas de Clerville rédige un mémoire sur la nécessité de renforcer Villefranche-de-Conflent afin de protéger le passage des Pyrénées. Un an plus tard, Vauban dépose son projet, et jugé trop onéreux, celui-ci n’est pas retenu, et c’est finalement celui de Saint-Hilaire qui est mis en œuvre entre 1669 et 1676. Celui-ci consiste à relever les murs de la ville et ses deux entrées, à renforcer l’ensemble au moyen de bastions et demi-lunes et à doubler les murs de la ville et ses deux entrées afin d’aménager une galerie dans la partie supérieure. Les chantiers seront interrompus plusieurs fois, mais, à l’été 1676, le projet est réalisé.

Les interventions de Vauban

Lorsqu’il revient sur les lieux en 1679, Vauban porte un jugement très sévère sur les travaux réalisés depuis sa première visite en 1669. Il propose de nouveau son projet, désormais validé par Louvois. Il prévoit alors de relever les remparts, d’ajouter six bastions, deux demi-lunes et une lunette avancée. Deux portes, à l’ouest et à l’est, permettent d’entrer dans la ville. Les demi-lunes sont placées devant chacune de ces deux portes. Le point le plus important du projet de Vauban est la construction d’un fort sur une hauteur proche, la seule qu’un ennemi pourrait occuper pour bombarder la ville. Ce château, appelé aujourd’hui fort Libéria, se présente sous la forme d’un polygone irrégulier, doté d’un glacis et de deux plates-formes sur son flanc nord, qui communique avec la ville par la porte des Boucheries. Il pouvait accueillir 50 à 100 hommes de garnison en temps de paix et avait un fonctionnement autonome en cas de siège. Sa fortification irrégulière épouse le relief montagneux. Elle se compose de deux polygones imbriqués étagés dans la pente et tous deux barrés par une haute traverse préservant leurs bâtiments des bombardements depuis les hauteurs dominantes au nord. Le polygone inférieur, désigné par Vauban comme « la plate-forme », a un plan irrégulier permettant de s’adapter à la configuration de l’échine rocheuse. En contrebas s’appuie une petite plate-forme supplémentaire, dite « l’avancée », dans laquelle était percée la porte originelle, avant que le XIXe siècle ne la reporte à l’est sur la plate-forme intermédiaire. L’hexagone supérieur, désigné comme « le donjon », est séparé de la montagne dominante par un fossé colossal de 12 mètres de profondeur, taillé en plein roc et à contrescarpe entièrement maçonnée. Une galerie casematée, voûtée à l’épreuve des bombes, à feux de revers est ménagée à la base de ce mur, et reliée au corps de place par deux communications en caponnières latérales. Équipée de chicanes, elle est par endroits à deux niveaux. Le projet de Vauban comporte également l’aménagement d’une grotte bastionnée, la Cova Bastera. Cette cavité de 322 mètres de long est accessible par un escalier fortifié qui communiquait avec le bastion de la Montagne. Les trois galeries communiquent et mènent à un magasin à poudre et une entrée secondaire. L’aménagement de la Cova Bastera s’achève en 1707.

Les fortifications du XVIIIe au XXe siècle

Dans le but de protéger l’enceinte urbaine contre les crues de la Têt, une fausse braie est créée entre le pont Saint-Pierre et le bastion Dauphin en 1718. Au cours des années 1770, des aménagements sont réalisés afin de solutionner les problèmes d’hébergement des soldats. La chapelle Saint-Paul devient une salle d’armes et l’église des Cordeliers un hôpital militaire. En 1783 et 1792, les portes de France et d’Espagne sont percées et décorées dans le style néo-classique.
La majeure partie des travaux du XIXe siècle sont mineurs. En 1823, les portes de France et d’Espagne sont dotées de pont-levis et en 1845, des casemates sont aménagées à l’intérieur des bastions du Dauphin et de la Boucherie. Sous le Second Empire, l’entrée du fort Libéria est déplacée sur le front nord-est, mieux protégée grâce à une tour ronde et un pont levis réalisés dans le style néo-gothique. Entre 1843 et 1853, une batterie intermédiaire est mise en place pour faciliter la liaison entre la ville et le fort, et reliée de part et d’autre par une communication voűtée, dite « les mille marches ». La dernière garnison quitte le fort Libéria en 1890.
Le fort sert de prison durant la Première Guerre mondiale pour 12 officiers allemands. La direction des Domaines aliène le château en 1927. De 1940 à 1944, une base de surveillance aérienne, occupée par des supplétifs et des réservistes, y est installée. En 1957, un nouveau propriétaire privé acquiert le château et le loue à quatre couples de commerçants de la ville. Le château est ouvert aux visiteurs à partir de 1987.
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Villefranche-de-Conflent

Villefranche-de-Conflent
42° 35' 13" N, 2° 21' 59" E

Type
enceinte, fort, grotte casematée
Ingénieurs
Jacques de Borelly de Saint-Hilaire, Sébastien le Prestre de Vauban
Département
Pyrénées-Orientales
Région
Occitanie
Bibliographie
  • AYATS (A.), Les fortifications de Vauban. Découverte guidée en pays catalan, Canet, 2007.
  • AYATS (A.), Louis XIV et les Pyrénées catalanes de 1659 à 1681, frontières politiques et frontières militaires, s.l, 2002.
  • AYATS (A.), DURBET (G.), « Villefranche-de-Conflent » in Conflent, 1988, n°153.
  • BABICS (F.), Commune de Villefranche-de-Conflent, étude d’un plan de rénovation des hameaux et villages, Paris, 2004.
  • BABICS (F.), Dossier d’emprise pour le classement par l’UNESCO de Villefranche-de-Conflent au patrimoine mondial de l’humanité, Paris, 2005.
  • BERNA- BABONNEAU (L.), « Les fortifications de Villefranche-de-Conflent » in Vauban et ses successeurs dans les Pyrénées, Paris, 2003, p.335-340.
  • DURBET (G.), Les remparts de Villefranche-de-Conflent, Villefranche-de-Conflent, 2003.
  • FAUCHERRE (N.), La route des fortifications en Méditerranée, Paris, 2007.
  • FAUCHERRE (N.), Villefranche-de-Conflent, la sentinelle des Pyrénées, Woippy, 2013.
  • WARMOES (I.), Le Musée des Plans-Reliefs, Paris, 1997, p.55.
Villefranche-de-Conflent, plan de 1693, dans Recueil des plans des environs de plusieurs places du Royaume faits en l’an 1693, [Paris], pl. 42, gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Vue aérienne de Villefranche-de-Conflent, 18/09/2010.