Mont-Dauphin

Les origines de Mont Dauphin

Mont-Dauphin est l’une des dix villes neuves construites selon les projets de Vauban. Sa création ex-nihilo sur le plateau des Mille-Aures à 1 050 mètres d’altitude qui domine Guillestre (ville sinistrée pendant l’invasion savoyarde de 1692) doit permettre le contrôle du confluent entre la Durance et son affluent le Guil. Il s’agit aussi de surveiller le col de Vars, emprunté en juillet 1692 par les armées du Duc Victor-Amédée II de Savoie pendant la Guerre de la Ligue d’Augsbourg. Ce plateau en pente douce est limité par des falaises ou des éboulis raides sur trois côtés et est relié par un passage assez large au plateau d’Eygliers. Le site possède un ensoleillement important, des terres cultivables et des ressources abondantes. Ce site est choisi par Vauban lors d’une de ses visites sur place à la demande de Catinat, officier qui avait combattu les Savoyards.

Le premier projet pour la ville

Le projet mis en œuvre par Vauban entre 1693 et 1700 consiste à créer une ville fortifiée de forme octogonale dotée de deux fronts avec tenailles, d’un bastion central et de deux demi-bastions. Chaque front est précédé de fossés secs et d’un chemin couvert équipé de traverses. La protection de la ville est assurée par sa position en contre-pente qui la rend invisible depuis le plateau voisin. Le reste de l’enceinte, constitué de cinq bastions plats, borde les limites du plateau. La porte d’Eygliers, équipée d’un pont-levis, donne accès à un couloir voűté défendu par des orgues, version améliorée de la herse. A l’intérieur, Vauban prévoit la construction de plusieurs casernes le long des remparts et l’aménagement d’une ville civile à trame orthogonale. Les devis de 1693 indiquent que l’on compte y bâtir un Hôtel du Gouverneur, un moulin, une église, un pont sur le Guil proche et paver les rues. Vauban a réalisé des plans pour tous ces éléments. Cependant, il a négligé deux inconvénients du site : d’abord, le vent (Mille-Aures : plateau des mille vents). La précipitation avec laquelle est mené le chantier conduit à de sérieux incidents. Les ouvriers ont utilisé pour les murailles des cailloux ronds trouvés dans les déblais ou extraits du Guil, au lieu de pierres de taille, entraînant l’effondrement en 1697 d’une partie de la face gauche de la demi-lune de Berry, tandis que le mortier de la demi-lune d’Anjou tombe déjà.

Mont-Dauphin du XVIIIe au XIXe siècle

En 1700, Vauban fait un second séjour sur place. Il recommande de fermer les remparts dont la partie à flancs de falaise n’est pas réalisée, d’ajouter trois redoutes devant le front principal et onze nouveaux corps de caserne, de raser les inégalités du glacis. Il juge indispensable d’établir un ouvrage à corne sur la rive gauche du Guil. Mais ces ouvrages ne sont que partiellement réalisés. Les deux redoutes sont achevées, mais l’annexion de l’Ubaye à la France en 1713, à l’issue de la Guerre de Succession d’Espagne, fait reculer la frontière loin de Mont-Dauphin. Combiné au coűt des réparations des ouvrages déjà réalisés, les chantiers sont abandonnés. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Mont-Dauphin retrouve son intérêt et plusieurs ingénieurs rédigent des projets d’ensemble pour la place. L’arsenal est construit entre 1751 et 1757. Le front d’Embrun est achevé, percé d’une porte et équipé de casernes casematées entre 1765 et 1785. L’ingénieur Heuriance propose en 1749 l’achèvement de la ville, se basant sur les projets de Vauban, mais aucun de ses projets ne reçoit l’approbation gouvernementale. L’église, dont les travaux ont débuté après le premier séjour de Vauban sur le site, reste inachevée. Seul le chœur est terminé et muré au niveau du transept. Ce dernier, ainsi que le clocher, la nef et le transept restent ébauchés. Entre 1791 et 1802, le général Michaud d’Arçon édifie une lunette à feux de revers dotée d’une tour casematée, prototype des Lunettes d’Arçon. Au cours du XIXe siècle, les adaptations aux progrès de l’artillerie nécessitent l’aménagement de nouveaux emplacements de batterie et le démantèlement d’une partie de l’enceinte.

État actuel

La place forte de Mont-Dauphin existe toujours, en l’état d’inachèvement du milieu du XVIIIe siècle. Les parties construites de l’enceinte sont intactes, de même que la lunette d’Arçon. Intra-muros, les deux casernes bâties sous Vauban et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime subsistent. Le magasin à poudre a été recouvert de terre au XIXe siècle. La caserne Rochambeau a été consolidée par un arc boutant en 1783. Seule une partie des constructions civiles initialement prévues par Vauban ont été réalisées. L’aile ancienne de l’arsenal (1700) et la maison de l’Ingénieur ont disparu en juin 1940 suite au bombardement accidentel d’un avion italien. Aujourd’hui intégralement démilitarisée, la petite ville, inscrite au Patrimoine Mondial au titre des fortifications de Vauban en 2008 et classée au titre des Monuments historiques depuis 1966, est gérée conjointement par la commune et le Centre des Monuments Nationaux. Ce dernier propose diverses animations et visites guidées de la place-forte. La commune de Mont-Dauphin a recréé un jardin qui propose aux visiteurs de découvrir ce que mangeaient civils et militaires d’une place forte de montagne au XVIIe siècle. A proximité, une chambrée de soldat a été reconstituée dans l’ancienne caserne Campana pour tout savoir sur les conditions de vie des soldats. Le plan relief construit vers 1709 au 1/600e, restauré et partiellement mis à jour en 1763, au XIXe siècle et en 1947 est conservé au musée des Plans-Reliefs à Paris.

Mont-Dauphin

Mont-Dauphin
44° 40' 8" N, 6° 37' 30" E

Type
ville neuve
Ingénieurs
Sébastien le Prestre de Vauban, Nicolas de Catinat, Rostaing, Jean-Claude Éléonore le Michaud d’Arçon
Département
Hautes-Alpes
Région
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Bibliographie
  • BODIN (B.), FAUCHERRE (N.), Vauban, les sites majeurs, Grenoble, 2007, p.58-63.
  • BORNECQUE (R.), L’architecture militaire dans les Alpes et le Jura, Paris, 1976, (thèse de doctorat présentée à l’université de Paris IV en 1976).
  • BORNECQUE (R.), Vauban et les Alpes, Saint-Léger-Vauban, 1995.
  • BORNECQUE (R.), FAUCHERRE (N.), LEMAITRE (P.), La route des fortifications dans les Alpes, Paris, 2006.
  • CROCHET (B.), RIVET (G.), Vauban et son héritage, guide des forteresses à visiter, Rennes, 2014.
  • FOUILLOY-JULLIEN (I.), « Mont-Dauphin » in Vauban et ses successeurs en Briançonnais, Paris, 1995.
  • Ouvrage collectif, Place forte de Mont-Dauphin, Mont-Dauphin, 2001.
  • RIOTON (R.), La zone de protection du Patrimoine architectural et Urbain de Mont-Dauphin (Hautes-Alpes), s. l., 1995, 1ere partie.
  • TILLIER (A), Réutilisation de la place forte de Mont-Dauphin (Hautes-Alpes), Gap, 1986.
  • WARMOES (I.), Le Musée des Plans-Reliefs, Paris, 1997, p.48.
Plan du projet de Vauban pour Mont-Dauphin en 1700, dans Cartes des environs de plusieurs places [entre les Alpes et la Méditerranée et les côtes de la Méditerranée et de la Manche, s. l., 1700, t. 12e, pl. 5, gallica.bnf.fr / BNF.
Vue aérienne de Mont-Dauphin, GoogleEarth, 18/08/2010.