Briançon

Briançon de l’Antiquité au XVIe siècle

Ville d’origine celte, Briançon reçoit ses premières fortifications à l’époque romaine. Un fortin aurait été construit sur le sommet du mamelon qui surplombe la Durance, au croisement des cinq vallées, puis remplacé par un château médiéval au XIVe siècle. La première enceinte urbaine est édifiée autour de la vieille ville au XIe siècle. De forme polygonale, elle est flanquée de tours rondes. Elle est modifiée entre 1370 et 1395 et est alors composée de quatre tours et percée de trois portes. Elle est constituée en grande partie grâce aux murs des maisons. En 1590, le révolté protestant Lesdiguières s’empare de Briançon, renforce le château et construit un ouvrage à corne.

Briançon au XVIIe siècle : les interventions de Langrune et Vauban

Un siècle plus tard, en 1689, la menace des ducs de Savoie, engagés dans la Ligue d’Augsbourg, conduit Louis XIV à faire moderniser Briançon. Ces modernisations débutent par la construction d’une première enceinte bastionnée par l’ingénieur Langrune. Pour cette enceinte, il réutilise plusieurs segments des remparts médiévaux, consolide les murailles constituées des murs arrière des maisons. En 1692, Vauban critique cette enceinte et propose plusieurs améliorations : ajout d’une demi-lune vers le nord, d’un corps de garde à la porte de Pignerol, le renforcement des bastions, une fausse braie et une contre-garde devant le front d’Embrun, avec une porte mieux protégée que la précédente. Ces travaux sont achevés vers 1700. Au cours d’un second passage cette même année, Vauban propose un projet plus vaste : l’ajout d’une ville basse pour loger la garnison et la population civile, la construction d’une redoute au sommet dit Les Salettes, ainsi que l’ajout d’un ouvrage à corne devant le château, vers le lieu-dit Champ de Mars. Il envisage la création d’un camp retranché sur le plateau des Têtes accessible par un pont de communication sur la Durance. C’est également dans ce projet qu’il dessine la collégiale Notre-Dame et Saint-Nicolas. Sachant les Savoyards très pieux, il la place délibérément sur le bastion le plus exposé de l’enceinte, renforcé d’une demi-lune, et cache une partie des édifices urbains derrière l’église. L’ennemi qui ne peut être que catholique n’oserait pas bombarder une église. Ce sera le seul bâtiment réalisé du vivant de Vauban. Pour remédier à l’approvisionnement en eau de la ville, Vauban fait percer un puits relié à la Durance, sur la place centrale.

Briançon au XVIIIe siècle : les évolutions de la fortification

Les difficultés financières de la fin du règne de Louis XIV ne permettent pas de réaliser l’intégralité du dernier projet de Vauban. Seules la collégiale (en 1703-1717) et la redoute dite fort des Salettes (en 1709-1712), achevées par le maréchal de Berwick, seront construites d’après ses plans. Des ingénieurs locaux sont en charge des travaux jusqu’en 1720. L’enceinte se présente alors sous la forme de remparts modernes possédant un front précédé d’une demi-lune équipée d’une caponnière et de parados (au nord-ouest) et de deux fronts bastionnés précédés d’une fausse braie puis d’un fossé, lui-même couvert par une contre-garde (à l’ouest).
Pendant la Régence, le Génie français consacre beaucoup d’attention à Briançon, place de première ligne face à la Savoie. Sous la direction du Marquis d’Asfeld, trois forts avec des casernes sont construits sur des hauteurs voisines que Vauban avait préconisé d’occuper. L’ingénieur Tardif, directeur des fortifications du Dauphiné et Nègre, ingénieur en chef de Briançon conduisent les chantiers, de 1721 à 1736. Le plus grand ouvrage qu’ils construisent est le fort des Trois Têtes. Ce fort est constitué de trois fronts bastionnés tournés vers le sud-est et d’un ouvrage à corne équipé d’une batterie d’artillerie (dite bastion d’Asfeld) prenant la vallée de la Durance sous ses feux, de casernes, dont une appuyée contre une paroi rocheuse, d’une chapelle, d’un pavillon du gouverneur, d’une demi-lune, d’une contre-garde et d’un bastion détaché. Son front le plus important est le front Royal, oů se trouve la porte principale et la demi-lune. Pour relier le fort des Trois Têtes à la ville, le pont d’Asfeld a été construit en 1730, concrétisant un projet de Vauban. Entre le plateau des Têtes et le plateau du Randouillet, on construit un ouvrage appelé Communication Y. Il s’agit d’un couloir voűté à l’épreuve permettant de ravitailler en eau le fort du Randouillet depuis celui des Têtes et de verrouiller un point de passage entre les deux. Le fort du Randouillet est un ouvrage de forme irrégulière équipé de plusieurs casernes et magasins et d’un seul front bastionné reconnaissable. Le fort Dauphin, de forme carrée, a été construit au nord-est pour compléter les défenses du fort des Trois Têtes.
La redoute du point du jour et le fort d’Anjou ont pour fonction d’être des sentinelles avancées. Plusieurs bâtiments prévus dans les projets de 1721 n’ont pas été construits. Le puits central de la ville est supprimé au cours de ce siècle.

Le patrimoine militaire de Briançon aux XIXe et XXe siècles

Quelques petits aménagements seront réalisés aux XIXe-XXe siècles, avant la démilitarisation définitive des sites fortifiés lorsque la menace d’invasion italienne prendra fin, dont la transformation de la chapelle du fort des Trois Têtes en caserne et l’ajout de casemates. Une deuxième phase de grands travaux à Briançon a lieu entre 1815 et 1854. Le bastion ouest du fort des Salettes est ajouté, enterré et voűté pour mieux absorber les vibrations. Une salle de garde et de défense avec ouverture de tir y est créée. Un passage est réservé aux canons le long des marches. En 1835, le château médiéval est en partie rasé et remplacé par un fort bastionné dit le fort du château. Des téléphériques militaires sont installés pour relier les différents forts. à partir de 1873, six forts de type Séré de Rivières sont édifiés sur les hauteurs à plus de 2000 mètres d’altitude (forts de la Croix de Bretagne, de l’Enlon, des Gondrans, de l’Infernet et du Janus. à la fin du XIXe siècle, les Italiens construisent le fort du Chaberton à plus de 3000 mètres d’altitude, qui fait face à Briançon. La caserne du fort du château est transformée en hôpital en 1918. Le fort du Janus, construit entre 1890 et 1914, est intégré, après une modernisation dans les années 1930, à la ligne Maginot alpine.

État actuel

La majeure partie des fortifications de la ville subsiste. L’enceinte urbaine, les forts des Salettes, des Trois-Têtes, du Randouillet et Dauphin ainsi que la communication Y et le pont d’Asfeld ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial au titre des Fortifications de Vauban. Tous sont en libre accès toute l’année à l’exception de l’église des Cordeliers, il n’existe plus de bâtis médiévaux ; ils ont été détruits pour servir de matériaux de construction pour les ouvrages militaires du XVIIe siècle. Le plan-relief, construit entre 1731 et 1736, réalisé au 1/600e par les ingénieurs Colliquet et Nézot, restauré en 1785 et mis à jour au XIXe siècle, est conservé au Musée des Plans-Reliefs de Paris. Une copie est conservée dans l’ancien tribunal de la ville, accessible dans le cadre de visites guidées.

Briançon

Briançon
44° 53' 47" N, 6° 38' 8" E

Type
enceinte urbaine et forts détachés
Ingénieurs
Hue de Langrune, Sébastien le Prestre de Vauban, Jacques Fitz-James duc de Berwick, Claude François Bidal Marquis d’Asfeld, Tardif, Nègre, Heuriance, Boucet
Département
Hautes-Alpes
Région
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Bibliographie
  • BARDE (Y.), Histoire de la fortification en France, Paris, 1996.
  • BODIN (B.), BRUNO (C.), Briançon, Vauban et son empreinte, Grenoble, 2006.
  • BODIN (B.), FAUCHERRE (N.), Vauban, Les sites majeurs, Grenoble, 2007.
  • BORNECQUE (R.), FAUCHERRE (N.), La route des fortifications dans les Alpes, Paris, 2006.
  • BORNECQUE (R.), Vauban et les Alpes, Saint-Léger-Vauban, 1995.
  • BORNECQUE (R.), Briançon, sentinelle des Alpes, Veurey, 2006.
  • Briançon, ville forte du Dauphiné, de l’Antiquité au Traité d’Utrecht, s. l., 2006.
  • PISSARD (I.), VILLECOURT (A.), La montagne fortifiée, le Briançonnais : un conservatoire unique de la fortification de montagne, projet d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, s. l., 2001.
  • Vauban et ses successeurs en Briançonnais, Paris, 1995.
  • WARMOES (I.), « Le plan-relief de Briançon » in L’échauguette, n°34, Briançon, 1999.
  • WARMOES (I.), Le musée des plans-reliefs, Paris, 1997, p.48.
Plan de Briançon, du fort des Têtes, du Randouillet et de la Communication en Y, 1818, Plans du Génie, Fonds Guillemain, n°6830, Archives départementales des Hautes-Alpes.
Vue aérienne de Briançon, GoogleEarth, 18/08/2010.